Nouveaux visages, nouveaux enjeux : qui façonne la politique lyonnaise aujourd’hui ?

30 septembre 2025

Un renouvellement en marche : les raisons d’un bouleversement politique à Lyon

La ville de Lyon, traversée par de profonds changements depuis quelques années, voit émerger de nouvelles personnalités politiques qui incarnent un renouvellement à la fois générationnel, culturel et idéologique. Après la séquence électorale 2020-2022 et la prise de pouvoir des écologistes, l’échiquier politique local a été bouleversé. Mais au-delà de la couleur verte qui domine depuis, d’autres profils, moins visibles mais essentiels, s’affirment. Qui sont ces femmes et ces hommes qui bousculent les codes de la vie politique lyonnaise ? Quels sont leurs parcours, leurs méthodes, leurs réseaux ? Et que peuvent-ils nous dire de la façon dont la démocratie locale pourrait se réinventer à Lyon ?

Les figures montantes de la municipalité : écologistes et au-delà

Si l’équipe de Grégory Doucet reste le centre de la nouvelle gouvernance municipale, plusieurs visages, parfois encore peu connus au plan national, se démarquent par leur action, leur style – ou leur capacité d’innovation.

  • Camille Augey : le social par l’expérimentation Adjointe au maire de Lyon, déléguée à l’Emploi et à l’Économie durable, Camille Augey incarne une génération d’élus attachés à l’expérimentation et au dialogue citoyen. Diplômée de Sciences Po et issue du tissu associatif, elle a notamment porté le projet de “Budget participatif” à Lyon, permettant aux habitants de décider de l’attribution de 12,5 millions d’euros en 2021 et de financer plus de 200 projets locaux (Ville de Lyon). Sa capacité à articuler innovations sociales et contraintes économiques en fait une interlocutrice centrale des acteurs locaux, des tiers-lieux jusqu’aux PME.
  • Audrey Hénocque : finances, inclusion et transparence Première adjointe chargée des finances, Audrey Hénocque promeut une vision rigoureuse mais ouverte de la gestion municipale. Elle a, notamment, intensifié la publication des données financières de la Ville et multiplié les démarches de transparence (mise en open data du budget, consultation sur les grands projets via la nouvelle plateforme Civocracy). Hénocque, fidèle à la ligne EELV mais attentive aux équilibres, joue un rôle d’arbitre entre les différentes sensibilités de la majorité – un gage de stabilité dans ce nouvel équilibre politique.
  • Raphaël Michaud : urbanisme de la transition En charge de l’Urbanisme à la Ville et vice-président de la Métropole, ce jeune élu écologiste propose un regard neuf sur la planification urbaine. Artisan des “Quartiers fertiles” (conversion de friches urbaines en espaces de biodiversité et d’agriculture urbaine, 12 hectares requalifiés en trois ans selon Métropole de Lyon), il tente d’allier impératifs environnementaux et croissance démographique, enjeu particulièrement aigu dans une ville qui a gagné près de 60 000 habitants depuis 2010 (INSEE).

Une opposition qui se (re)structure

Le renouvellement politique à Lyon ne concerne pas que l’exécutif écologiste. Les oppositions, bousculées par la défaite lors des dernières élections, tentent de restructurer leurs forces et d’incarner une alternative crédible. Parmi les chefs de file et nouvelles têtes, plusieurs profils se démarquent par leur dynamisme, leur créativité – ou leur audace.

  • Pascal Blache : le centre-droit qui résiste Maire du 6 arrondissement, Pascal Blache tente de réinventer le centre-droit lyonnais. Il multiplie les dialogues avec les réseaux économiques, associatifs et culturels, et n’hésite pas à croiser les initiatives de la majorité sur certains dossiers sociaux. Récemment, il a soutenu un dispositif d’hébergement d’urgence ouvert en partenariat public-privé, avec 85 places créées début 2023 dans son arrondissement (source : Le Progrès).
  • Fanny Dubot : l’énergie d’une nouvelle droite Maire du 7 arrondissement, Fanny Dubot, issue du parti Les Républicains, s’est emparée de plusieurs dossiers critiques, de l’accompagnement des réfugiés à la sécurité autour de la place Jean Macé. Elle incarne une droite jeune, davantage tournée vers l’action locale concrète, au-delà des postures nationales.
  • Pierre Oliver : un renouvellement républicain Le maire du 2 arrondissement – le plus central et commerçant de Lyon – a émergé par des prises de parole tranchées sur les questions de sécurité et de propreté. Sa gestion de la communication de crise lors de l’attaque de la place Bellecour en 2022 lui a valu une exposition médiatique nationale (France 3 Rhône-Alpes). Impliqué dans la rénovation de la voûte ouest de Perrache en 2023, il revendique l’importance de “l’efficacité locale” face à de grands débats idéologiques.

Lyon, berceau d’initiatives citoyennes : ces acteurs qui font la politique hors des partis

Lyon ne se résume pas à ses élus institutionnels. La politique locale lyonnaise bouillonne également d’initiatives portées par des collectifs, des entrepreneurs sociaux et des mouvements émergents, parfois en marge des partis, souvent moteurs d’innovation démocratique.

  • Bogdan Nesterenko : démocratie participative et expertise numérique Expert reconnu en civic tech, il anime la plateforme Jeparticipe à la Métropole, qui compte plus de 60 000 inscrits (2023). Il est à l’origine de la consultation citoyenne sur le “Plan Climat” en 2022, recueillant près de 20 000 contributions – un record sur le territoire français cette année-là (source : Métropole de Lyon).
  • Collectif “Les Ateliers de la Ville” : pour une fabrique urbaine partagée Regroupant architectes, urbanistes, sociologues, ce collectif a accompagné le réaménagement du parc Sergent Blandan avec une méthode d’ateliers in situ impliquant 1 200 habitants. Son influence sur la méthodologie participative inspire désormais plusieurs projets métropolitains (source : Le Moniteur).
  • Chadia Arab : voix de la diversité associative Sociologue, membre de l’Observatoire des Migrations en Auvergne-Rhône-Alpes, elle intervient régulièrement dans les débats municipaux et au sein du Conseil Lyonnais pour la Prévention et la Sécurité. Son expertise nourrit la réflexion sur la gouvernance locale, notamment sur la médiation urbaine et la prise en compte des minorités dans les politiques publiques.

Jeunes pousses et nouveaux citoyens : l’irruption d’une génération déterminée

La nouvelle donne politique lyonnaise ne s’exprime pas seulement dans l’appareil institutionnel. On observe l’émergence d'une génération de militants, élus de quartier ou porteurs de projets rassembleurs, issus des quartiers populaires, du milieu étudiant ou du monde associatif. Cette énergie collective contribue à “faire” la ville autrement, souvent avec des méthodes inspirées de la démocratie directe ou du numérique.

  • Mouvement “Wake Up Lyon” Lancé en 2021 lors de la crise sanitaire, ce mouvement apolitique favorise l’engagement des jeunes de 18 à 25 ans sur des causes locales via des campagnes flash et des micro-volontariats (près de 300 actions recensées en 2023, d’après Le Mouvement).
  • Nisrine Othman : engagement étudiant et éco-anxiété Présidente du syndicat étudiant “La Boussole”, Nisrine Othman s’est illustrée par le plaidoyer pour l’ouverture d’un guichet d’écoute psychologique dédiée à l’éco-anxiété, ayant touché plus de 800 étudiants lyonnais en 2022 selon l’Observatoire Vie Étudiante Lyon. Elle fait le lien entre mobilisations jeunes, politiques climatiques et défis sociaux.
  • Le collectif “Les Voix du 8e” Issu de la Maison de la Métropole et des conseils de quartier du 8, ce collectif croise les réseaux culturels, éducatifs et sportifs pour proposer une plateforme d’expression citoyenne qui a déjà accompagné une centaine de microprojets en deux ans (soutien scolaire, jardins partagés, aide juridique, etc.).

Le paysage politique en chiffres : évolution des profils et diversification des trajectoires

Ce renouvellement ne se raconte pas seulement à travers des noms : il témoigne d’une transformation profonde du profil des acteurs locaux. Selon l’étude du Centre d’Études et de Prospective sur la Métropole de Lyon (2023), la part des élues femmes est passée de 37 % à 49 % entre 2014 et 2020, un chiffre proche de la parité, tandis que l’âge médian des élus municipaux est passé de 54 à 46 ans sur la même période.

Autre évolution frappante : plus de 40 % des adjoints de la Ville de Lyon étaient primo-élus en 2020, preuve d’un rajeunissement et d’un appel d’air pour de nouveaux profils, parfois venus du monde associatif ou professionnel et non des filières classiques des partis.

Indicateur 2014 2020
Proportion de femmes 37 % 49 %
Âge médian 54 ans 46 ans
Part des primo-élus 25 % 41 %

(source : Lyon Capitale)

Ouverture : Lyon, laboratoire démocratique à surveiller

Scruter les figures émergentes de la scène lyonnaise, c’est mesurer la vitalité d’une ville qui, au-delà de ses institutions formelles, cultive une culture du dialogue social et de l’innovation démocratique. Les profils évoqués ici témoignent d’une diversité de trajectoires qui rendent la politique locale à la fois plus imprévisible, mais aussi plus vivante et ouverte aux multiples visages de la société lyonnaise. La suite dépendra de la capacité de ces nouveaux acteurs à inventer un récit commun et à répondre aux défis quotidiens des habitants, sans céder à la tentation du repli ou du conformisme.

Reste une certitude : Lyon continuera à surprendre, réinventant sans cesse la façon dont on fait – et dont on comprend – la politique urbaine.

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